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Obligations: ne pas confondre rendement « facial » et rendement « actuariel »

17 novembre 2015 par Benjamin CLAVEL

Dans mon métier de conseiller en gestion de patrimoine j’ai régulièrement affaire à des investisseurs particuliers qui ont investi en obligations suite aux « conseils » de leur banquier. Parfois dans un contrat d’assurance-vie mais le plus souvent dans un compte-titres. Si en soit je n’ai rien contre ce type de placement, sur lequel de réelles opportunités existent parfois, il m’arrive cependant de recommander à ces personnes de solder certaines de leurs obligations, qui affichent pourtant des taux de rendement faciaux très élevée: 4, 5 ou même 6 %, dans le contexte actuel ça fait pourtant rêver non ? Oui mais… ce taux, clairement indiqué en général dans le nom même de l’obligation n’est que le taux « facial » et ça n’est pas lui qui est important pour décider de conserver ou non une obligation. C’est le taux actuariel qui compte. Et quand j’aborde le sujet avec mes clients, pratiquement personne ne sait de quoi il s’agit… Plus grave, généralement leur banquier ne sait pas non plus de quoi il retourne (ou alors il cache volontairement qu’il le sait et là c’est un autre problème) Voyons ensemble que c’est pourtant un élément ESSENTIEL pour prendre la bonne décision.

 

Au fait c’est quoi une obligation ?

Commençons par le commencement: c’est quoi une obligation ? C’est un titre de créance. Si vous achetez une obligation vous faites crédit à un emprunteur. Par exemple ma cliente Madame A…O (qui m’a donné l’idée de l’article et qui je l’espère se reconnaîtra), à acheté des parts de cette obligation là: BPCE 5% 19/06/19 EUR. Elle a donc prêté de l’argent à BPCE (Banque Populaire Caisse d’Epargne) sur les conseils de son banquier de la Caisse d’Epargne d’Alsace.

Une obligation étant un crédit elle a une début (ici c’est le 19/06/2009), une fin c’est à dire une date à laquelle le capital sera remboursé en une fois (ici le 19/06/2019) et un taux d’intérêt (ici c’est un taux fixe « facial » de 5 %).

Était-ce une bonne affaire lorsque Madame A…O a acheté cette obligation ? Pour le savoir il faudrait comparer ce taux « facial » de 5 % à d’autres obligations émises à la même période pour des durées équivalentes (10 ans), et par des emprunteurs qui avaient une solidité équivalente (et donc un risque de non remboursement semblable). Clairement ça n’était pas génial, elle aurait pu trouver facilement mieux. Mais passons, ce qui nous intéresse ça n’est pas le passé mais bien le présent.

Alors cette obligation est-elle toujours intéressante aujourd’hui ? Pour le savoir il faut regarder un élément essentiel, que même Boursorama communique sur son site: le taux de rendement actuariel. Et là on s’aperçoit qu’il est aujourd’hui (17/11/2015) de seulement 0,88 %).

 

Taux facial ? Taux actuariel ?

Bigre, c’est quoi un taux actuariel ? Et quelle est la différence avec le taux facial ?

Taux facial:

Bon, pour le taux facial c’est facile: c’est le taux qui est « écrit » sur l’obligation. Généralement le taux est inscrit dans son nom.

C’est le taux qui sera servi à un investisseur qui achète l’obligation lors de son émission (sa création) et qui la garde jusqu’à son terme (son remboursement): dans mon exemple si je prête 100 € à BPCE le 19/06/2009 je vais toucher 5 € (donc bien 5 %) chaque année le 19 juin, et je vais récupérer mes 100 € le 19/06/2019. Hors frais et fiscalité j’ai donc bien gagné 5 % / an.

Oui mais… peut-être que je n’ai pas intérêt à conserver cette obligation jusqu’au 19 juin 2019 et que je pourrais réaliser une meilleure opération en la vendant sur le marché plus tôt. Car les obligations se vendent et s’achètent à tout instant sur les marchés boursiers, comme les actions. Et pour le savoir je dois calculer le taux de rendement actuariel.

Taux actuariel:

La formule est un peu compliquée, mais vous la trouverez facilement sur Internet, mais ce qu’il faut retenir c’est que le rendement actuariel permet de déterminer ce qui reste à gagner jusqu’à l’échéance.

 

Reprenons mon exemple:

Revenons à l’obligation  BPCE 5% 19/06/19 EUR

Son rendement actuariel n’est que de 0,88 %. Ce qui signifie que, compte tenu du prix actuel à laquelle je peux la vendre (114,40 €), des intérêt annuels restant à distribuer (5 € en juin 2016, 2017, 2018 et 2019, soit 20 € étalés sur les 43 prochains mois) et de la valeur qui sera remboursés à la fin (100 €) il ne me reste en réalité que l’équivalent de 0,88 % / an à gagner.

Pour simplifier et bien comprendre faisons un calcul approximatif, le résultat ne sera pas tout à faire juste mais donne une idée du principe de taux actuariel:

  • Si je garde mon obligation: je toucherai 5 € en juin 2016, 5 € en juin 2017, 5 € en juin 2018, et 105 € en juin 2019 (100 € de capital + 5 € d’intérêts de l’année). Soit globalement 120 €.
  • Si je vends mon obligation: je touche immédiatement 114,40 €
  • Attendre jusqu’en juin 2019 me permet donc de gagner seulement 5,6 € de plus, soit à peine 5,6 % en 43 mois >>> ce taux annualisé, c’est le rendement actuariel

Voilà, le calcul est un peu plus compliqué et affiné que ça car il tient compte de notions techniques comme « l’actualisation des flux futurs » >>> 100 € perçus dans 3 ans n’ont pas la même « valeur » que 100 € touchés tout de suite (tout le monde sait de manière intuitive que « mieux vaut tenir que courir ») , mais ça permet de comprendre l’enjeu.

 

Alors Madame A…O elle doit la garder ou pas son obligation ?

Avec son rendement actuariel à seulement 0,88 % / an on se rend vite compte que l’obligation de Madame A…O, qui affiche pourtant un rendement facial de 5 %, n’est plus très intéressante pour elle. Il ne lui reste presque plus rien à gagner, et elle n’aura aucun mal, si elle vend l’obligation pour toucher l’argent tout de suite, à atteindre un capital supérieur en 2019 en optant pour un autre placement (comme un fonds en Euros d’assurance-vie par exemple).

 

Voici d’autres illustrations de cet écart parfois très important entre taux facial et taux actuariel

obligation ISIN Emetteur Taux facial Taux actuariel Echéance
BPCE 5% 19/06/19 EUR FR0010757864 BPCE 5,00% 0,88% 19/06/19
LCL 4.4% 13/07/21 EUR FR0011062595 LCL 4,40% 1,36% 13/07/21
CREDIT AGRICOLE 3.15% 19/07/23 EUR FR0011510593 Crédit Agricole 3,15% 1,70% 19/07/23
BFCM 5.3% 06/12/18 EUR FR0011138742 Crédit Mutuel 5,30% 1,26% 06/12/18
BNP PARIBAS 5.2% 28/09/17 EUR FR0010517334 BNP 5,20% 0,74% 28/09/17

Evidemment si vous détenez par exemple l’obligation BNP et que vous pensiez, jusqu’à maintenant, qu’il ne fallait surtout pas vendre cette mine d’or car elle vous rapporte du 5,20 % / an alors vous remarquerez que son rendement actuariel réel n’est plus que celui du Livret A, et encore ça c’est avant la fiscalité 😉

 

 

Pour finir:

J’espère que cet article vous aura éclairé et vous permettra de prendre vos décisions en tout connaissance de cause et en vous basant sur le vrai rendement des obligations. La prochaine fois que vous verrez votre banquier vous pourriez le questionner sur le sujet: « dois-je vendre ou pas mon obligation XXX ? Est-elle rentable pour moi ? ». S’il se base sur le rendement facial pour vous répondre vous pouvez tout de suite changer de crémerie: soit il n’y connait rien, soit il se moque de vous.

Enfin n’oubliez pas qu’il faut bien entendu tenir compte de la fiscalité afférente au placement (sur la plus-value / sur les revenus). Je n’ai en pas tenu compte dans mon article car elle dépend de la situation de chacun et du mode de détention des obligations (en assurance-vie ou en compte-titres). Mais évidemment il faut y faire attention préalablement à toute décision.