Faire adhérer votre conjoint à votre contrat d’assurance-vie: Pourquoi ? – Comment ? – Quand ?
24 juillet 2015 par Benjamin CLAVEL
Vous avez souscrit votre contrat d’assurance-vie sans vous poser de question de manière « simple », autrement dit, vous êtes seul et unique souscripteur de votre contrat. Cependant vient maintenant l’heure des questions d’organisation de votre succession, de protection de votre conjoint et des bilans patrimoniaux. Vous n’êtes pas nécessairement très âgé mais suffisamment avancé en âge pour vous poser ce genre de question à deux. Ce mode de souscription était-il le plus pertinent ? Est-ce possible d’en changer ?
L’assurance-vie, un outil patrimonial puissant mais parfois mal utilisé
L’assurance-vie, bien que présentant un grand nombre d’avantages fiscaux et successoraux peut s’avérer pénalisant pour ses héritiers. En effet, prenons l’exemple suivant :
Monsieur et Madame sont mariés sans contrat de mariage et chacun ont souscrit un contrat d’assurance-vie qu’ils alimentent avec des revenus communs. Madame a désigné son époux bénéficiaire de son contrat et Monsieur a désigné Madame.
Dans ce cas, que se passe-t-il au décès de Monsieur ?
La garantie du contrat de Monsieur est attribuée à Madame et est comptée comme un bien propre de Madame lors du règlement de la dissolution du mariage et de la succession de Monsieur.
En revanche, la valeur du contrat de Madame est comptée comme un actif commun des époux de telle sorte qu’à la dissolution du mariage, la moitié du patrimoine commun + les biens propres de Monsieur seront soumis aux droits de succession.
En effet, le contrat de Monsieur est dénoué par son décès et puisqu’il désigne son épouse bénéficiaire, la loi énonce qu’aucun droit à récompense n’est dû.
Cependant le contrat de Madame est toujours en cours puisqu’elle est toujours en vie au moment du règlement de la succession de son époux. Et puisque son contrat (a elle) a été souscrit avec des sommes communes, la valeur du contrat de Madame est supposé appartenir pour moitié à Monsieur et donc comptabilisé comme tel dans sa succession.
Madame ne paye pas de droit de succession : la loi TEPA exonère de droits de succession le conjoint survivant.
En revanche, les enfants paient des droits de successions par application du barème progressif en fonction de la consistance du patrimoine de Monsieur (leur père).
>>> Donc, les enfants, devront payer des droits de succession sur une somme qu’ils ne toucheront peut-être jamais.
Comment faire pour éviter cette fâcheuse conséquence successorale ??
Passer, en cours de vie du contrat, d’une « souscription simple » à une « co-souscription avec dénouement au 1er décès » peut être une solution.
Cela signifie simplement que le contrat ne sera plus au nom d’un des deux époux seulement (tel que c’était le cas initialement) mais bien au nom des deux époux mariés sous un régime de communauté ET que la valeur du contrat sera attribuée par l’assureur au conjoint survivant au décès du premier des deux époux.
Pourquoi faire adhérer votre conjoint à votre contrat d’assurance-vie ?
Il s’agit principalement de protéger votre conjoint sans passer par le biais de l’avantage matrimonial et/ou de la donation et donc d’éviter :
- Le passage devant Notaire comme le nécessite l’avantage matrimonial
- Les droits de donation tels que le requière la donation
- Les droits de succession dus par les enfants de l’époux prédécédé sur une somme qu’ils ne toucheront pas (tel que c’est le cas lorsque vous avez recours à une souscription croisée, voir exemple ci-dessus)
Comment faire adhérer votre conjoint à votre contrat d’assurance-vie ?
Il faut malheureusement à ce stade faire une distinction entre la théorie et la pratique car si le droit et la loi ne s’opposent en rien à cette technique, les assureurs eux sont encore frileux quant à sa mise en oeuvre.
En théorie : associer votre conjoint à la souscription de votre assurance-vie nécessite que vous soyez mariés sous le régime de la communauté.
Il suffit, ensuite, d’émettre un avenant au contrat à votre assureur dans le sens de la co-sousription.
En pratique: il s’agit de vérifier que que l’assureur sera en mesure de mettre en place cette modification de l’adhésion (ajout d’un co-sousripteur, qui est aussi co-assuré).
En effet, la loi et le Code des assurances multiplient les obligations contractuelles de précaution et d’information en faveur des clients de sorte qu’une modification du contrat en cours d’existence est susceptible d’emporter des conséquences d’ordre contractuel.
Cependant, les choses semblent évoluer car la juridiction suprême française, la Cour de cassation, s’est prononcée à ce propos le 19 mars dernier et a validé la pratique de la co-adhésion.
C’est pourquoi la pratique devrait désormais pouvoir se démocratiser et sortir du rang des théories pour atteindre la pratique. En effet, on se souvient de l’accueil qu’avait reçue la théorie à l’initiative du démembrement de la clause bénéficiaire: les assureurs étaient très réservés dans un premier temps, mais elle est aujourd’hui très répandue.
Les conséquences juridiques et fiscales de la co-adhésion :
L’assuré initial et son conjoint, devenu co-adhérant, sont désormais tous deux assurés du contrat : le contrat sera automatiquement dissout au décès du premier d’entre eux.
Tous deux souscripteurs et assurés, le contrat sera géré par l’un ou l’autre des époux exactement comme tout autre acte de gestion au sein du mariage.
La clause bénéficiaire désignera le conjoint survivant comme bénéficiaire (en pleine propriété ou en usufruit)
De nouvelles primes pourront être versées par l’un ou l’autre des époux
La valeur du contrat dénoué ne sera pas comptabilisée dans la succession du conjoint prédécédé
La co-adhésion ne va pas provoquer la clôture du contrat et souscription concomitante d’un nouveau = conservation de l’antériorité fiscale
Le régime fiscal applicable ne fera pas de distinction entre la période avant et après la co-souscription sauf passage de la date fatidique des 70 ans tel que le régime général de l’assurance-vie l’impose.
Quand est-ce qu’il est le plus opportun de se tourner vers une co-adhésion ?
Non pas que la co-adhésion soit irrévocable, il est tout de même vivement conseillé d’y avoir recours lorsque le couple, marié sous le régime de la communauté, envisage sereinement l’avenir à deux. En effet, les conséquences d’un divorce lorsqu’une co-adhésion a été précédemment actée peut emporter des lourdes déconvenues.
Tel que pour tout acte passé par l’un ou l’autre des époux marié sous un régime de communauté, cette technique de la co-adhésion permet d’unifier la gestion du patrimoine pour davantage de cohérence et d’égalité entre les époux.
Enfin des techniques d’optimisation de la co-adhésion du contrat d’assurance-vie en couple peuvent être envisagées afin de bénéficier de tous les atouts civils et fiscaux de ce produit d’épargne fort intéressant en couple et/ou en famille mais pas seulement.
Comme toujours se faire épauler par un Conseiller en Gestion de Patrimoine Indépendant préalablement à la souscription de tout contrat d’assurance, ou préalablement à toute réflexion de modification d’un contrat existant, semble indispensable afin d’éviter des erreurs qui peuvent être très lourdes de conséquences.
Article rédigé par Frédérique LE ROUX