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Robo-Advisers: quel avenir pour les FinTech de la gestion de patrimoine ?

30 novembre 2016 par Benjamin CLAVEL

Ce devait être LA grande révolution dans la gestion des finances personnelles des Français: les robo-advisers, selon leurs créateurs, devaient « uberiser » les conseillers en gestion de patrimoine et rendre accessible à tous, en quelques clics, une gestion patrimoniale optimale.  L’offre de ces « Robots-Conseillers » peut-être résumée de la manière suivante: ils proposent à des investisseurs particuliers, qui ouvrent un contrat d’assurance-vie par l’intermédiaire exclusif de leur site Internet, d’en assurer la gestion financière grâce à un outil mathématique automatisé qui sélectionne à leur place des supports d’investissement. Le client ouvre seul son contrat en ligne, sélectionne un des profils parmi ceux proposés (prudent, dynamique etc etc) et ensuite c’est la machine qui s’occupe de réaliser des achats et des vente quand elle l’estime nécessaire. Mais à ce jour force est de constater que ce marché reste très confidentiel et que les clients ne se ruent pas sur ces offres de gestion algorithmique qui peinent à s’imposer.

un modèle qui ne semble pas fonctionner en l’état actuel de l’offre

Selon l’étude de Finance Innovation et Chappuis Halder & Co publiée en septembre 2016, les robo-advisers français gèrent au total « largement moins de 100 millions d’Euros » d’actifs financiers (le chiffre exact n’étant pas publié). C’est une infime goutte d’eau dans le monde de la gestion de patrimoine …et la route semble encore longue.

 

L’exemple de Yomoni

Prenons l’exemple de la société Yomoni, dont le nom commence à être connu suite à d’importantes campagnes de communication lancées à la fois en ligne (sur Facebook par exemple) mais aussi via des affiches en 4 x 3 dans le métro parisien. Malgré cet important budget publicitaire la société ne revendiquait, début octobre, qu’environ 6 millions d’Euros de capitaux sous gestion un an après l’ouverture de leur service au grand public.

Si nous prenons un peu de recul sur ces chiffres:

  • ces 6 millions d’Euros seraient apportés par un total de 1 500 clients, soit 4 000 € en moyenne par client. Soyons clairs, c’est très très peu. La moyenne par exemple des courtiers en ligne (que ce soit nous pour notre activité de courtage en assurance-vie par Internet, mais aussi des géants comme ING Direct ou Boursorama) tourne plutôt entre 35 et 40 000 € / client. Et la moyenne pour les cabinets plus traditionnels de conseil en gestion de patrimoine tourne autours des 80 000 € confiés par client. Bref il y a sans doute beaucoup de curieux qui ont ouvert un compte chez Yomoni, mais peu de vrais investisseurs. On peut même se demander s’il n’y aurait pas, parmi ces 1500 clients, un grand nombre de « chasseurs de prime » qui auraient ouvert un compte avec le minimum requis pour percevoir la prime offerte par Yomoni à l’ouverture d’un contrat (si c’est le cas un grand nombre de ces clients partira aussi vite qu’il est arrivé).
  • compte tenu du modèle économique de Yomoni, qui vit sur les 0,7 % de frais de gestion qu’ils prélèvent à leurs clients au titre de leur service, leur chiffre d’affaire théorique sur un an (c’est à dire à supposer que tous les clients aient ouverts leur compte au 1er jour du lancement de l’activité) serait de seulement… 42 000 €. Difficile d’imaginer faire vivre une société avec si peu, et encore moins de financer la publicité, les primes à l’ouverture de compte (75 000 € de budget sur ce seul poste si on part du principe que chaque client a au minimum perçu la prime la plus faible à savoir 50 €) ou rémunérer le personnel et les 4 associés fondateurs.

Soyons clairs: à ce stade j’en suis même à douter de la capacité de survie d’une entreprise ayant un tel modèle économique. Et s’ils venaient à disparaître que deviendraient leurs clients ? Certes leurs avoirs ne seraient pas perdus, puisque déposés chez l’assureur, mais qui assurerait la gestion de leurs comptes ? Comment évolueraient alors leurs contrats ? Difficile à dire…

 

Robot-Conseiller ou Robot-Allocataire ?

L’offre des robo-advisers est à mon sens trop restrictive: gérer son patrimoine ne peut être réduit à une simple gestion de l’allocation d’actifs. Prenons un produit d’épargne simple, que tous les robo-advisers utilisent comme enveloppe fiscale de détention pour la gestion des avoirs de leurs clients: l’assurance-vie. Même dans ce cadre d’investissement, qui parait restreint, il convient de se poser tout un cas de questions préalablement à un investissement:

  • l’assurance-vie est-elle réellement l’enveloppe fiscale la plus adaptée à mon projet et à mon profil ?
  • quelle forme la souscription devrait-elle prendre ? (souscription simple, souscription conjointe, une souscription par conjoint ?)
  • chez quel assureur ouvrir le contrat ? (ou les contrats car souvent en ouvrir plusieurs, chez des assureurs différents, est plus adapté que de n’en ouvrir qu’un)
  •  comment rédiger efficacement la clause bénéficiaire ?
  • quels supports d’investissement choisir ?
  • comment faire évoluer mon allocation d’actifs dans le temps ?

Finalement les robo-advisers ne répondent qu’aux deux dernières questions. Et, pour la plupart, ils ne proposent aucun conseil « humain » pour accompagner leurs clients sur toutes les précédentes étapes. Ils portent donc mal leur nom selon moi: la notion d »adviser » (conseiller en anglais) ne correspond pas à la fonction qu’ils remplissent. Ils sont des « robots-allocataires d’actifs » et non pas des « robots – conseillers patrimoniaux ». Enfin même chez ceux qui proposent un accompagnement humain le conseil est biaisé: ils n’ont pour la plupart que de l’assurance-vie à vendre, donc forcément la réponse à la 1ère question à se poser, à savoir est-ce que je dois vraiment ouvrir une assurance-vie compte tenu de mon projet et de mon profil, est oui…

 

 

Un modèle qui va évoluer, mais des clients qui essuient les plâtres…

J’estime à ce stade que le modèle proposé par les acteurs de la FinTech (un mot à la mode, mélange entre finance et technologie) n’est pas mûr. Il va nécessairement devoir évoluer. Et malheureusement les clients qui se lancent maintenant sont plus ou moins des « cobayes » qui testent des outils et essuient un peu les plâtres de ce secteur en devenir.

 

Les robo-advisers se tournent vers les acteurs qu’ils prétendaient ringardiser

On voit déjà que certains robo-adviser commencent à abandonner le B to C (c’est à dire la vente en direct à des clients finaux) pour se tourner vers le B to B (la vente de leur service à des professionnels): ils souhaitent que les cabinet de conseil en gestion de patrimoine ou les banques, qu’ils entendaient pourtant « uberiser » il y a à peine quelque mois, intègrent leur outil d’allocation dans l’offre financière qu’ils proposent à leurs clients. C’est sans doute une solution qui devrait se développer et qui permettrait aux conseillers en gestion de patrimoine de finalement se concentrer sur les aspects sur lesquels ils apportent la plus forte valeur ajoutée à savoir la relation client dans le temps, la compréhension des projets de ceux-ci, et l’adaptation de leur patrimoine à leurs objectifs en tenant compte de leurs contraintes.

 

La gestion algorithmique n’est pas la martingale

Je reste pour le moment dubitatif sur ces modèles mathématiques qui sauraient prévoir l’évolution des marchés et prendre, de manière automatique, les bonnes décisions au bon moment. Certaines sociétés de gestion s’y sont déjà cassé les dents par le passé, et ça n’a jamais marché longtemps: les fonds d’investissement gérés de manière automatique qu’ils avaient lancé ont pour la plupart fini par fermer, faute de résultat concluant à long terme. Il me semble qu’imaginer qu’une formule mathématique, aussi complexe soit-elle, qui saurait prendre les bonnes décisions de manière régulière est une illusion. Et si elle existait je ne pense pas que la société l’ayant inventé la partagerait avec le grand public. Tous les algorithme se servent des données historiques pour prendre leurs décisions; c’est de la gestion dite « rétroviseur » >>> j’analyse le passé pour prévoir l’avenir. Mais le passé ne se répète pas sans cesse, et en regardant trop le rétroviseur en conduisant on peut vite se retrouver dans le fossé… Bref, la gestion « automatique » peut certes avoir des vertus, comme celle d’allouer de manière efficiente les actifs en fonction de l’horizon de placement de l’investisseur et de son degré d’aversion au risque, mais il ne faut pas croire que c’est la martingale et que cela permettra de gagner à tous les coups. Il y aura des pertes pour certains investisseurs qui suivent ces systèmes, peut-être mêmes lourdes, comme il peut y en avoir avec tout type de gestion (humaine ou automatisée) car par nature les marchés financiers restent imprévisibles.

 

Des régulateurs pas satisfaits des pratiques actuelles

Alors qu’ils se sont lancés sur le marché du conseil financier de manière pas toujours très propre d’un point de vue réglementaire, les FinTech de la gestion de patrimoine ont fini par attirer l’œil des régulateurs. Et depuis juin 2016 l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) et l’ACPR (Autorisé de Contrôle Prudentiel et de Résolution >>> la « police » des assurances) ont décidé de se pencher sur le sujet. On voit déjà apparaître quelques recommandations, qui seront suivies d’autres, puis éventuellement… de sanctions !

Sans entrer dans l’inventaire exhaustif, ni chercher à discréditer certains intervenants, voici quelques exemples de « déviances » des robo-advisers par rapport à la réglementation en vigueur:

  • un non respect du formalisme réglementaire: les clients doivent payer AVANT de connaitre les conditions de leur relation avec la société en charge de la gestion de leur épargne>>> voir la vidéo de BFM Business
  • des propositions d’investissement totalement fantaisistes: quelques simulations sur des sites de robo-adviser permet rapidement de se rendre compte de la « bêtise » de certains modèles >>> le robot m’assure qu’il sera possible d’atteindre mon objectif de performance de 8 % / an en investissant de manière prudent 80 % sur un fonds en Euro à capital garanti et 20 % en actions. Même en partant du principe que le fonds en Euros rapportera 2,5 % / an il faudra, pour atteindre les 8 % de rendement annuel moyen, que les supports actions rapportent eux la bagatelle de 30 % / an. Ca parait compliqué non ??? Et bien pour le robot, pas de souci, ça va le faire 😉

 

 

Pour conclure je pense que le modèle a encore besoin de mûrir, et évidemment nous suivons ça de près puisque nous étudions déjà depuis plusieurs mois le sujet avec certains de nos partenaires assureurs et sociétés de gestion. Si des offres attractives finissent pas émerger nous n’hésiterons évidemment pas à les proposer à nos clients. Mais pour le moment il me semble urgent… d’attendre.