Gérer son capital dans un monde à taux zéro
8 septembre 2016 par Benjamin CLAVEL
Revenons un instant en arrière de 5 ans, en septembre 2011. Le taux du Livret A est à 2,25 %. L’emprunt d’Etat Français à 10 ans rapporte 2,90 %. Les fonds en Euros génèrent en moyenne 3 % de rendement. Ces chiffres, qui nous paraissaient faibles à l’époque, nous font aujourd’hui rêver. Car depuis la donne a bien changé: le livret A est à 0,75 % (et encore, son rendement est artificiellement soutenu par l’Etat), l’emprunt d’Etat à 10 ans rapporte moins de 0,2 % par an et la moyenne de rendement des fonds en Euros devrait tomber sous les 2 %. Le constat est simple: les 5 dernières années ont vu le rendement des placements « sans risque » s’effondrer complètement. Que faire dans un monde « à taux zéro » ?
La fin du rendement sans risque
Le temps du « rendement gratuit », c’est à dire du rendement sans risque, est révolu. Le taux de rendement des emprunts d’Etat, qui sert de référence aux placements sans risque, est négatif pour des durées allant jusqu’à 8 ans. Pour obtenir 1 % de rendement il faut accepter de prêter de l’argent à l’Etat pour… 30 ans ! Et la remontée n’est pas pour demain. Dès lors le rendement du Livret A ne pourra pas être éternellement maintenu par le gouvernement à un niveau artificiellement élevé (0,75 %). Quant aux fonds en Euros « classiques » des assureurs, investis à 85 % en obligations, ils ne pourront pas continuer à servir des rendements aussi « généreux » car chaque jour ils remplacent des anciennes obligations (achetées à une période où les taux étaient plus élevés, et donc ayant une rémunération satisfaisante) par de nouvelles obligations qui ne rapportent même pas de quoi couvrir les frais de gestion de l’assureur.
Il est désormais indispensable de mieux penser ses placements.
La nécessité de mieux penser ses placements
Avec des rendements aussi faibles, qui pourraient rapidement tomber à 0 (ou même devenir négatifs comme on voit dans certains pays Européens où les banques facturent leurs clients qui détiennent trop de liquidités), il est indispensable de repenser la gestion de ses finances. Au delà de solutions « produit », dont je parlerai dans un prochain article, je pense que le 1er réflexe à avoir se situe au niveau de sa « stratégie » d’investissement.
Ne pas laisser dormir son épargne
Alors qu’il pouvait être tentant de laisser « dormir », de manière généreusement rémunérée, des sommes conséquentes sur des livrets ou des fonds en Euros, cette stratégie du « on verra plus tard » n’est plus tenable. Oui il est raisonnable de conserver une épargne de précaution, c’est à dire un capital mobilisable à tout instant pour faire face à l’imprévu, sur des livrets par exemple. Mais le montant de cette épargne de précaution doit être adapté. Pour moi conserver 3 à 6 mois de revenus est largement suffisant. Pourtant je rencontre régulièrement des particuliers qui détiennent l’équivalent de 2 ou 3 années de revenus sur des livrets, « en attente » (en attente de quoi ??? parfois ils ne le savent même pas…).
L’adaptation des placements à la durée de l’investissement devient encore plus primordiale qu’avant.
Finalement le vrai risque c’est de ne pas prendre de risque
Bon nombre d’investisseurs, par peur de prendre des risques ou par méconnaissance du fonctionnement des placements, investissent leur épargne sur des supports non adaptés. Par exemple il n’est pas raisonnable d’investir pour sa retraite, dans 15 ou 20 ans par exemple, sur un support garanti en capital. L’épargne longue, à plus forte raison quand il y a des versements réguliers, doit être investie sur des supports qui ont une capacité à générer du rendement. Ce peut être via des supports Euro-Croissance, qui ont l’avantage de proposer une garantie du capital à un terme défini à l’avance, ou bien sur des supports ne proposant aucune garantie de capital mais permettant d’envisager une bien meilleure rémunération de son capital.
Il faut à mon sens garder deux éléments en tête:
- « non garanti » ne veut pas forcément dire « très risqué »
- renoncer à la performance en privilégiant la sécurité peut avoir un impact dévastateur sur votre avenir >>> voir par exemple le tableau ci-dessous qui permet de se rendre compte du capital que l’on peut escompter obtenir à partir d’une épargne mensuelle de 100 € au bout de 10, 15, 20 ou 25 années, et en faisant varier le taux de rendement annuel de l’épargne (de 1 à 5 %).
0% | 1% | 2% | 3% | 4% | 5% | |
10 ans | 12 000 € | 12 612 € | 13 260 € | 13 945 € | 14 670 € | 15 436 € |
15 ans | 18 000 € | 19 405 € | 20 942 € | 22 624 € | 24 466 € | 26 482 € |
20 ans | 24 000 € | 26 544 € | 29 423 € | 32 685 € | 36 384 € | 40 580 € |
25 ans | 30 000 € | 34 047 € | 38 787 € | 44 349 € | 50 885 € | 58 573 € |
On voit très bien que plus la durée de l’investissement est longue et plus la « composition des intérêts » (c’est à dire le fait que les intérêts produisent eux-mêmes des intérêts) a un impact élevé. Et donc plus la durée de l’investissement est longue et plus il est déraisonnable d’opter pour des supports non rémunérateurs. Rendez-vous compte: si je suis à 20 ans de la retraite et que j’épargne sur un support garanti, mais non rémunéré, mon capital final sera 40 % plus réduit que si j’ai opté pour un support rémunéré à 5 % par an !!
Ce qu’il faut retenir
Le point essentiel pour moi est de bien comprendre qu’il n’est plus possible d’avoir en même temps une garantie de capital et une rémunération de son épargne. Il faut maintenant choisir entre les deux. Et par conséquent il faut se demander, projet par projet, si on a réellement besoin de conserver une garantie du capital. Pour ma part j’estime que:
- Pour les projets à court terme (= moins de 2 ans), conserver une totale garantie du capital est indispensable
- Pou les projets à moyen terme (= de 2 à 8 ans), conserver une garantie en capital sur une partie de la somme est suffisant (le pourcentage d’actifs à conserver garanti dépendant du degré d’aversion au risque de chacun)
- Pour les projets à long terme, (= au delà de 8 ans), conserver une garantie du capital n’a pas réellement de sens. C’est même contre-productif.
Dans des prochains articles nous verrons quels types de supports sont adaptés à ces différents horizons d’investissement.
Qu’en pensez-vous ?